10/12/2013
« Mécomptes » de Noël en temps de dèche
Depuis quelques mois, elle n’a plus droit aux indemnités de chômage, « fins de droits » ils lui ont dit. Depuis presque trois ans elle cherche en vain un travail, elle en finit même à espérer recevoir une réponse aux nombreux CV qu’elle a postés, au moins une réponse qu’elle soit positive ou négative. Ses CV sont comme des lettres mortes égarées au gré du vent. Elle a dû mettre au point pas mal de stratégies pour réussir à faire quelques courses qui se résument à de l’alimentaire de base, de survie. Pour cela, elle a élaboré un parcours du combattant qui consiste après repérage à glaner les produits les moins chers dans chaque magasin de sa ville. Cela demande du temps, de l’organisation, mais finalement du temps elle en a…
Les reliquats des impôts de sa dernière année se splendeur, elle a trouvé un arrangement longue durée avec la Trésorerie principale. Tous les 15 du mois, c’est le rendez-vous pour aller donner ce qu’elle peut et si cela ne la console pas, force est de constater que ce jour-là, elle n’est pas seule dans son cas.
Côté factures, on limite les douches, on évite les bains, c’est le grand retour du gant de toilette de nos grands-mères et aussi celui du bon vieux baril de lessive en poudre qui ne lave pas plus blanc que blanc mais aussi bien que le dernier berlingot unidose, adoucissant intégré. Et comme le linge sèche au grand air, le sèche-linge se repose et le linge sent le frais. Côté chauffage, elle a ressorti les édredons des arrière-grands-mères, les pulls de ses quinze ans tricotés avec soin. Son mari coupe le bois et elle le range soigneusement au pied de la maison. Pour le reste, rien de tel que le vinaigre blanc, le citron et le bicarbonate…Non, vous ne rêvez pas, elle a bien ouvert la case du 09 décembre 2013 sur le calendrier de l’avent acheté à prix discount, mais qui fait si plaisir à ses enfants. Elle ne vit pas trop mal avec tout cela, si ce n’est un manque de reconnaissance, un déficit de confiance en elle, surtout depuis son licenciement économique. Souvent elle reste isolée. Elle a soudain pris conscience, combien c’est difficile de sortir de chez soi quand le banquier a dit : « stop, rendez-moi votre carte bleue, vous n’avez plus de revenus » (il a même poussé le vice à la découper devant elle). Pas facile de vivre sans carte bleue en 2013. Heureusement, il reste La Poste et ses guichets...
Justement, aujourd’hui c’est samedi. Elle a quelques euros en poche grâce à la vente des objets, des vêtements dont elle a estimé ne plus avoir vraiment besoin. Ses bottines en cuir de veau achetées 200 €, elle en a tiré 8€…Mieux vaut ne pas réfléchir et se détacher des choses matérielles. C’est cela la dèche, apprendre à retrouver la vraie valeur des choses, celle de l’utilité au-delà du besoin créé. Avec tout cela elle a appris à vivre et ce samedi, elle a rougi de honte. Non, il ne manquait pas 20 cents pour payer les pâtes, mais pour la première fois, elle n’a pas pu donner aux associations d’aide aux personnes en difficulté à l’entrée du magasin. Et ça pour elle, c’était inacceptable. Oui aujourd’hui, elle a rougi de honte en passant à côté du caddy de la banque alimentaire, ou de l’association st Vincent de Paul ou des restos du cœur et ça pour elle c’est la face cachée la plus difficile à vivre pendant ces années dèche.
Bérengère Bézier
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